Une série de trois articles par Jean-François Hamel
Le milieu culturel pourra compter sur un service en entrepreneuriat
C’est avec plaisir que je fais paraître un premier article au sujet de l’entrepreneuriat artistique, un sujet qui me tient à cœur depuis longtemps.
Vous avez peut-être vu passer sur l’une ou l’autre de nos plateformes sociales l’annonce de l’investissement du CALQ, qui soutient sur trois ans le Réseau des conseils régionaux de la culture du Québec (RCRCQ) et les Conseils régionaux de la province pour entreprendre un vaste projet à ce sujet? Dès mon entrée en poste, j’ai eu la chance d’être affecté à cette initiative qui vise ultimement à vous offrir de l’accompagnement personnalisé et à vous diriger vers les meilleures ressources selon vos besoins!
Vous serez sûrement étonné(e)s d’apprendre qu’une première année de travail est déjà terminée. En fait, cela n’a rien d’étonnant puisqu’elle a été consacrée à dresser l’inventaire des ressources en entrepreneuriat général et artistique, à l’échelle régionale, provinciale et fédérale. Un travail qui s’est fait sans bruit, mais avec beaucoup d’enthousiasme.
Il reste encore deux années au déploiement du projet. En effet, d’autres étapes importantes restent à franchir. Il y aura, entre autres, le développement d’une offre locale d’accompagnement et de référencement adaptée au milieu culturel.
Pour mener à bien cette tâche herculéenne, je suis loin d’être seul. On compte ici sur la force du nombre. Une grande équipe multirégionale (dont votre humble serviteur) a été mise sur pieds sous la coordination du Réseau. Je peux aussi compter sur mes collègues, bien sûr.
Bientôt, je devrai également faire appel à vous : au Conseil, la concertation est toujours au cœur de nos actions.
Mais avant de vous dévoiler en détail ce grand chantier et le rôle que vous pourrez y jouer, essayons de voir de quoi il est question exactement.
Entrepreneuriat, vous dites?
Chacun(e) de nous a sa petite idée de ce que signifie « entrepreneuriat ». En lisant le titre de cet article, vous avez peut-être aussi pensé : « L’entrepreneuriat n’a rien à voir avec l’art! ». Si c’est le cas, vous n’êtes pas seul(e), je vous rassure!
Pourtant, dès qu’une personne choisit de vivre de son art, elle devra relever les mêmes défis qu’un entrepreneur pour atteindre son but. C’est-à-dire que l’artiste, en plus de devoir maîtriser son art et se démarquer pour se faire connaître, devra aussi connaître l’écosystème dans lequel il ou elle plonge pour naviguer vers son objectif tout en gardant la tête hors de l’eau!
Alors puisque le concept d’entrepreneuriat semble incontournable, essayons d’abord de le définir.
Si on tentait une définition
Voyons d’abord la définition que propose le Thésaurus de l’activité gouvernementale de Services Québec :
« Ensemble des qualités personnelles, des compétences sociales et des habiletés en matière de création, de développement d’entreprises et d’actions innovantes ou reconfigurées, qui sous-tendent un mode de comportement engagé vers la réussite. »
C’est bien, mais un brin théorique, pas vrai?
Posons les pieds sur la terre ferme : plus simplement, l’entrepreneuriat, c’est la capacité d’entreprendre et de mener à bien un projet qui répond à un besoin ou qui vise un objectif spécifique. Ici, le mot clé à retenir est « capacité », parce qu’il englobe tout : les qualités, les compétences, le sens de l’innovation, les habiletés et les connaissances requises pour obtenir du succès.
Évidemment, personne ne naît avec cette capacité. Il faut l’acquérir de diverses façons : expérience sur le terrain, formation, accompagnement, mentorat, etc. Cela signifie aussi qu’on ne réussira pas forcément au premier essai. Une bonne dose de courage sera donc nécessaire pour « remettre son ouvrage », comme dit l’adage.
On a donc une meilleure idée de ce qu’est l’entrepreneuriat. Mais qu’en est-il pour les artistes plus précisément?
L’entrepreneuriat artistique
Devenir un(e) artiste accompli(e) représente un défi en soi. Il faut acquérir, maîtriser et maintenir des connaissances, des compétences, des habiletés et un langage propre à une discipline. Ce qui demande temps et énergie. Si les circonstances jouent en votre faveur, on vous remarque et vous êtes pris(e) sous l’aile de producteurs ou de diffuseurs qui recourent à votre talent pour réaliser leurs projets.
Il faut cependant se l’avouer, ces cas sont plutôt rares! Et les revenus générés par ces activités ne suffisent pas toujours à subvenir aux besoins de base. Il faut alors se tourner vers d’autres sources de revenus. De là l’importance de développer votre sens entrepreneurial, pour ainsi augmenter votre capacité à générer des revenus par votre pratique artistique.
Le temps et l’énergie que vous aurez à investir pour y parvenir varient selon l’écosystème propre à votre discipline. Le domaine de l’édition et de la diffusion en musique, par exemple, est complexe et compte de nombreux joueurs qui ont tous un rôle important. Entre la musicienne et son auditoire, on trouve le producteur, le mixeur, l’éditeur (label), le distributeur, les plateformes de diffusion en ligne, l’agent, les salles de spectacle, et j’en passe. Je n’ai même pas effleuré non plus les questions du financement et de la mise en marché!
Chaque discipline a ses particularités, bien entendu, mais il existe une base commune que tout(e) professionnel(le) devrait connaître. C’est cette part qui constitue l’aspect entrepreneurial.
Je n’invente rien. Des universitaires et des économistes se penchent aussi sur la question depuis un bon moment. Pour prendre la mesure de leur réflexion et donner un éclairage différent à notre définition, voici un passage du récent ouvrage, publié sous la direction d’Isabelle Horvath et Gaëlle Dechamp : L’entrepreneuriat dans les secteurs de l’art et de la culture.
« Être un artiste implique une dimension entrepreneuriale qui peut revêtir différentes formes. […] Qu’elle soit individuelle ou collective, I’activité artistique repose sur une prise de risque, présente à différentes phases d’un projet artistique […]
[…] L’artiste ne se caractérise pas seulement par des compétences d’innovation, de créativité artistique et de gestion du risque, mais il doit faire preuve de capacités à la fois pour obtenir des financements, gérer des équipes (management de projet), et pour définir un positionnement de son organisation et attirer des publics (marketing). […]
La définition de l’entrepreneuriat, dans le secteur culturel, repose davantage sur une action idéologique du porteur de projet que sur son statut juridique. L’artiste-entrepreneur doit prendre en compte de plus en plus les questions de gestion, de rentabilité et d’investissement.
[…] L’artiste-entrepreneur est donc incité à mobiliser d’importantes ressources “internes (savoirs, savoir-faire, savoir-être) ou externes (relations, dispositifs d’aide à la création d’entreprise, ressources financières ou matérielles, etc.) »1
Prise de risque
C’est donc dire que chaque projet artistique – comme n’importe quel projet d’entreprise – est une sorte de pari. Il vous appartient de maîtriser – ou de confier à une personne compétente et qualifiée – chaque aspect de votre projet pour minimiser les risques.
C’est justement dans ce but que le CALQ et le RCRCQ ont développé ce projet d’accompagnement en entrepreneuriat artistique; projet qui sera présenté en deux chroniques.
Dans la prochaine, je vous présenterai les grandes étapes de travail du groupe coordonné par le Réseau, ce qui est déjà fait et ce qui reste à faire. Dans la dernière, il sera davantage question de la façon dont vous pouvez vous impliquer dans le projet pour nous aider à identifier vos besoins en entrepreneuriat.
Suivez-moi!
Source de l’image : CALQ https://www.calq.gouv.qc.ca/actualites-et-publications/actualites/rcrcq-entrepreneuriat-artistique
1 L’entrepreneuriat dans les secteurs de l’art et de la culture. Comment concilier ambition créative et logique économique ? EMS Éditions, « Gestion en liberté », 2021, ISBN : 9782376874294. DOI : 10.3917/ems.horva.2021.01. URL : https://www.cairn.info/l-entrepreneuriat-dans-les-secteurs-de-l-art-et-de–9782376874294.htm